(the english version of this interview here)
Line Katcho oeuvre dans les domaines de la musique acousmatique, de la musique visuelle et de la musique de film. Elle s’intéresse principalement au son en tant que matière cinétique, représentative de mouvements, de forces ou de gestes. Son écriture contrôlée se complémente d’une approche expérimentale et d’un fort intérêt pour les jeux perceptifs. Elle assure la direction artistique des concerts Soundwich, visant à rassembler les artistes émergeants de la scène musicale électroacoustique de Montréal. Son travail a été diffusé lors de festivals internationaux au Chili, au Portugal, en Irlande et en Angleterre. Elle a reçu le premier prix du concours JTTP (Jeux de Temps/Times Play) 2014 et poursuit présentement ses études en composition électroacoustique (Niveau Supérieur II) au Conservatoire de Musique de Montréal.
Qu’est-ce qui t’as amené à faire de la musique électroacoustique?
C’est la liberté d’action qu’elle offre. À cette époque de ma vie, j’avais un grand désir de nouveauté et étant une personne curieuse et investigatrice, le côté expérimental m’a énormément stimulé et séduit. De pouvoir composer une musique avec mes propres sonorités, d’explorer de nouveaux langages musicaux me semblait comme une porte vers une autre façon d’écouter et de penser la musique. Le contact direct avec la matière sonore, c’est-à-dire l’écoute directe pendant la composition, sans avoir à utiliser un code abstrait (la partition) pour traduire mes idées musicales, a été aussi un élément influent pour me diriger vers l’électroacoustique.
D’ou vient le titre de ton album “Pulsions”?
J’ai intitulé mon album « Pulsions » pour faire référence à mon attitude lors de la composition des œuvres qui s’y trouvent. Lorsque je travaille, j’essais de répondre à mes élans intérieurs, de résoudre des tensions, tout en m’assurant d’être à l’écoute de mes réactions intellectuelles, émotives ou instinctives. À la fois, le terme décrit de façon globale ma musique.
Qu’est-ce qui motive ton écriture musicale? À quoi penses-tu quand tu composes? Y a-t-il un fil conducteur ou une ligne directrice que tu suis quand tu fais de la musique?
De façon récurrente c’est le geste, le mouvement et donc les forces et les énergies qui leurs sont sous-jacentes qui motivent mon écriture musicale. L’organisation temporelle se trouve également au centre de mes préoccupations. Mais je ne débute pas la composition d’une œuvre avec un concept détaillé; c’est plutôt une idée globale qui va guider mon travail. Cette dernière peut résider dans un modèle naturel, un procédé d’écriture et même des types de sonorités. Mais il est vraiment important pour moi de ne pas prioriser l’idée plus que le résultat musical. Je ne veux pas forcer la musique à répondre à un concept parce que la plupart du temps, c’est ce qui n’est pas planifié, ce qui émerge spontanément qui m’épate le plus. Ce que je recherche c’est d’arriver à des moments eurêka, suite à de l’expérimentation. Donc c’est ultimement dans l’action que le tout prend forme.
Y a-t-il d’autres artistes ou styles de musique qui t’influencent?
Premièrement, il y a la musique moyen-orientale, plus spécifiquement celle du début et du milieu du 20e siècle; c’est la première musique que j’ai connue. Les rythmes rapides et complexes, le mawwal (genre vocal), les maqams (modes); c’est ce que j’en retiens le plus. Ensuite, c’est la musique instrumentale dite savante; plus spécifiquement le travail de Beethoven, Chopin, Liszt, Debussy, Bartok, mais il y en a tellement d’autres. J’ai suivi une formation en piano classique pour plus d’une dizaine d’années; cet apprentissage m’a formé et influence ma musique surtout au niveau de la polyphonie et de l’organisation formelle. Puis finalement, c’est le drum & bass qui me captive beaucoup et ce depuis une quinzaine d’années; le neuro-funk plus particulièrement, pour ses rythmes articulés et rapides, sa rigueur organisationnelle et ses timbres électroniques.
Pour ce qui est des artistes électroacoustiques qui m’influencent, en voici quelques- uns: Ake Parmerud, David Berezan, Karlheinz Stockhausen, Manuella Blackburn, Taylor Deupree, Richard Chartier, Alva Noto.
J’ai vu une vidéo-musique que tu as présentée là la dernière édition d’Akousma (Shapeshifter). La musique y était plus rythmée/pulsée que dans tes pièces électroacoustiques auxquelles nous sommes habitués. Est-ce que la vidéo appelle à une musique différente?
Oui. L’usage des deux médiums appelle à une certaine retenue. Une surdose d’information pourrait devenir aliénante pour l’auditeur et donc le message transmis pourrait être moins bien reçu. Cela dit, je ne crois pas qu’il soit nécessaire que la musique suive une pulsation rigoureuse; c’était plutôt ma façon de complimenter l’esthétique géométrique du visuel. Mais le souci d’une simplicité, d’une familiarité musicale se trouvait définitivement dans mes intentions.
Est-ce que la vidéo est un medium que tu veux développer de plus en plus?
Oui, c’est une forme artistique qui m’intéresse beaucoup.
Y a-t-il d’autres formes d’art ou styles de musique que tu comptes développer?
Oui, je compte expérimenter de plus en plus avec la musique performative, c’est à dire incluant plus d’interventions en temps réel. Je compte également explorer différentes facettes de la musique électronique populaire.
Quels sont tes projets à venir?
Je travaille actuellement sur une nouvelle pièce audio-visuelle qui sera diffusée lors du festival de vidéo-musique de Montréal au mois d’Avril. Je présenterai aussi une pièce mixte pour partie fixe, traitements en temps-réel et orgue de sirène (instrument inventé par Jean-François Laporte), lors du Totem Électrique en Juin. Je prépare une performance électroacoustique « live » pour un concert Kohlenstoff présenté lors du Suoni per il popolo édition 2015, en Juin aussi. Je compte en plus travailler en collaboration sur un projet de musique électronique et sur une œuvre audio-visuelle durant l’été. Je poursuis aussi mes études au niveau Supérieur II en composition électroacoustique qui se termineront au printemps 2016.