Entrevues avec les compositeurs de l’album Totem électrique II (2016)

Kohlesnstoff Records est très fier de produire le nouvel album de Totem Contemporain Totem électrique II qui sera disponible en format numérique dès le 5 février prochain. En attendant, voici une entrevue réalisé avec les compositeurs qui ont reçu comme mission de composer des oeuvres de nature électroacoustique avec différents instruments inventés par Jean-François Laporte (Les Productions Totem Contemporain).

avec Jean-François Laporte

Qu’est-ce le Totem électrique?

Totem Électrique est une série de concerts qui vise le développement d’un nouveau répertoire d’œuvres composées spécialement pour les instruments de musique conçus et réalisés par les Productions Totem Contemporain. Le programme de ces concerts est produit et imaginé par des compositeurs à qui nous commandons une nouvelle œuvre. Les musiques sont écrites pour les instruments que nous avons développés ainsi qu’une composante «électrique», soit une bande électroacoustique, un traitement numérique en temps réel ou tout autre procédé sonore électronique/électrique. Lors de chaque concert, quatre œuvres sont commandées; parmi celles-ci, une est présentée en reprise l’année suivante pour un concert d’environ 50 minutes.

Les compositeurs sont choisis en vertu de leur approche sonore personnelle et de l’originalité de leur vision musicale quant aux musiques nouvelles que rendent possibles nos instruments. Nous cherchons toujours à présenter un éventail intéressant de compositeurs aguerris, complété par un compositeur de la relève ainsi que par un compositeur étranger. L’idée étant de créer une scierie autour de ces nouveaux générateurs sonores.

Dans le contexte de ce volet, nous accueillons et travaillons avec les compositeurs dans notre atelier afin d’expérimenter avec eux les nouvelles sonorités générées par nos instruments. Cette approche particulière est requise, compte tenu de l’aspect non-traditionnel de nos instruments. Ce travail de recherche contribue grandement au développement des Productions Totem Contemporain par la réflexion qu’il suscite autant pour nous que chez les compositeurs invités, mais également en ce qui a trait au développement des instruments, par les nouvelles propositions venant des compositeurs.

Au cours des dernières années, Totem électrique s’est ouverte à d’autres publics. En 2014 un volet international s’est ouvert en développement deux projets particuliers; Totem Électrique Turin et le Totem Électrique Huddersfield.

avec Jean-François Blouin

Peux-tu nous parler de ton processus créatif pour la composition de cette œuvre?

 Jean-François Laporte m’a invité en 2013 a composé une pièce pour un de ses instrument, avec pour objectif d’intégrer un dispositif électroacoustique en concert (bande et traitement en temps réel). Je suis allé, en premier lieu, à son atelier pour entendre et me familiariser avec ses  instruments. Dès la première rencontre, je me suis attardé à la table de Babel. Cet instrument comporte une douzaine de valves servant à canaliser la pression d’air provenant d’un compresseur électrique. Ces valves sont rattachées à quatre famille d’instrument dénommés : bols (2); membranes vibrantes (4), insectes (6) et tuyau (1). C’est la variété des sonorités disponibles sur cette “table” qui m’a attiré à composer pour cet instrument.

J’ai commencé par la conception de la bande, à partir des sons de tuyaux de Jean-François Laporte et de sons de métaux et pierres frottées, que j’ai échantillonnés à mon studio. Après l’écriture de la bande, je suis retourné à l’atelier pour improviser sur l’instrument et créer la partition. J’ai ensuite intégré la partie de traitement en temps réel, consistant en un microphone à la main de l’interprète, sorte de loupe sonore qui en s’approchant de l’instrument module la zone ciblée de la table de Babel.

Une première création de l’oeuvre a eu lieu en juin 2014 avec la collaboration de l’interprète Jean-Marc Bouchard. La pièce a été rejouée en concert par moi-même en juin 2015 ainsi qu’en septembre 2015 pour l’enregistrement. Pour le lancement de l’album, en février 2016, ce sera Jean-François Laporte qui l’interprètera.

Si tu avais à résumer ta composition en trois mots, quels seraient-ils?

Métaphore, continuum, densité spectrale

avec Guillaume Cliche

Peux-tu nous parler de ton processus créatif pour la composition de cette œuvre?

 L’idée initiale du projet était de composer une œuvre mixte dont la bande serait entièrement composée de sons provenant de l’instrument. Cette décision fut même prise avant d’avoir choisi l’instrument en question. J’avais aussi l’intention de faire une pièce vraiment différente des autres pièces que j’avais composé ces dernières années. J’avais l’habitude de travailler avec des matières très articulées et énergiques. Pour celle-ci, je désirais plutôt travailler sur la lenteur, le minimalisme et les textures. C’est pour ces raisons que j’ai choisi le Bol comme instrument. Son utilisation semblait simple et ses composantes limitaient la diversité de sons produits. J’ai donc exploité l’ensemble des possibilités que la membrane de caoutchouc, l’air comprimé et le bol en métal m’offraient. Une fois les enregistrements terminés, j’ai érigé la structure de la pièce de façon à ce que chacune des catégories de sons enregistrés soient mises de l’avant dans leur section respective. Pour ce faire, j’ai procédé à plusieurs traitements afin d’élargir la diversité des morphologies sonores à ma disposition. Le traitement principal utilisé fut la granulation, puisqu’elle permet aux nouveaux matériaux créés de conserver leur propre timbre. L’idée était, comme je l’ai déjà mentionné, de conserver la richesse spectrale que m’offrait l’instrument. Ce fut donc les impulsions de basse fréquence que m’offrait cette pseudo timbale, les sons bruités et aigus de l’air comprimé, les frictions de la membrane de caoutchouc, les impactes métalliques du bol et les drones pleine bande que pouvait délivrer cet instrument qui auront servi au dialogue proposé par cette pièce entre la sensible instabilité d’un instrument et l’opportunité d’une avenue suggérée par un support fixe.

Si tu avais à résumer ta composition en trois mots, quels seraient-ils?

Minimaliste, instabilité, opportunité

avec Line Katcho

Peux-tu nous parler de ton processus créatif pour la composition de cette œuvre?

Je suis partie de l’intention de produire une pièce planante à développement progressif; le souffle incessant de l’orgue de sirènes me semblait propice à ce type de musique. Suite à une démonstration de l’instrument que m’a offerte Jean-François Laporte, je suis retourné l’explorer par moi-même afin de produire des séquences potentielles pour la composition de l’œuvre.

À partir d’enregistrements de ces séquences, j’ai testé différentes manipulations à appliquer sur l’instrument en temps réel, qui me permettraient d’apporter une dynamique alternative au geste et au timbre de l’orgue. J’ai donc employé de la modulation d’amplitude en accélération et décélération afin de renforcer le caractère progressif et de la modulation en anneaux afin de varier à certains endroits la sonorité de l’instrument.

La partie bande électroacoustique a été composée après la partie instrumentale. J’ai cherché à introduire des sonorités complémentaires à l’orgue (spectres réverbérés, ondes sinusoïdales, articulations bruitées) afin de renchérir, d’orchestrer, mais aussi de créer un certain contraste discursif.

Qu’est-ce qui a motivé ton choix d’instrument et de quelle façon en as-tu fait usage?

J’ai choisi l’orgue de sirènes pour la richesse de son timbre et aussi pour son intensité, son niveau de volume maximal qui est assez impressionnant; je l’ai donc utilisé en ce sens, à pleine capacité de son souffle. Toutefois, lors de mes séances d’exploration sur l’instrument, j’ai découvert qu’il pouvait également faire preuve de douceur et de délicatesse lorsqu’il était utilisé à un niveau d’amplitude minimale. J’ai conséquemment été captivée par l’idée d’un jeu précis et méticuleux sur l’instrument, ce qui m’a poussé à composer en ce sens : une pièce jouant sur les extrêmes,   une métaphore sur la maitrise de l’élan démesuré.

Si tu avais à résumer ta composition en trois mots, quels seraient-ils?

Planante – progressive – fougueuse

avec Maxime McKinley

Peux-tu nous parler de ton processus créatif pour la composition de cette œuvre?

La première étape a été de découvrir et explorer l’instrument (l’orgue de sirènes) avec Marie-Chantal Leclair. Certaines sonorités et possibilités m’ont particulièrement accroché et inspiré, je les ai donc systématiquement enregistrées. Ensuite, avec ces objets, j’ai fait à la maison quelques manipulations très simples (les comprimer/étirer dans le temps ou les mettre à l’envers, par exemple) et quelques montages, sous formes de miniatures, pour explorer diverses interactions de ces matériaux. L’étape suivante a été de proposer des cadres d’improvisation à Marie-Chantal pour expérimenter divers mélanges avec ces ébauches. Il m’est alors apparu que le plus intéressant était d’avoir une bande superposant une certaine diversité plus moins grande de plans, et que l’instrument sur scène se « promène » parmi ses plans, en les doublant (ou les soulignant, augmentant) alternativement. C’est ce que j’ai appelé des « doublures nomades » (qui donnent parfois des allures de traitement en temps réel, bien que ce soit en différé). Ensuite, j’ai conçu une forme relativement simple (évoluant graduellement de souffles en mono à des mélanges beaucoup plus complexes en 5.1). À cette étape, j’ai repris et raffiné la bande en studio tout en précisant la partie instrumentale. Grâce à mon « réalisateur en informatique musicale » pour ce projet, Adam Basanta, Marie-Chantal disposait d’une partition vidéo qui pouvait en tout temps être remise à n’importe quel minutage de la bande. L’aspect collaboration (avec Marie-Chantal et Adam) a donc été tout à fait crucial dans ce processus créatif.

Peux-tu nous parler de ton expérience? Qu’est-ce que tu en retiens?

Ce qui m’a passionné dans ce projet a été d’aborder un instrument dont je ne connaissais rien. De me retrouver dans une position d’ignorance et que ce ne soit en rien négatif, bien au contraire. D’où le titre de la pièce, À son insu. Il en a découlé un plaisir d’une approche très concrète et expérimentale du son, d’autant que je suis un compositeur instrumental par ailleurs très proche des mots. En travaillant à ce projet, j’avais souvent un sentiment agréable et sain de « retour aux sources » (au son, aux matières et aux gestes qui le produisent), que je prends davantage en compte maintenant, y compris dans mes projets plus « traditionnels ». L’aspect collaboration m’a beaucoup intéressé aussi, en ce qu’il se donne le temps de l’expérimentation en faisant beaucoup de place à une marge d’erreur indispensable à la curiosité.

Qu’est-ce qui a motivé ton choix d’instrument et de quelle façon en as-tu fait usage?

Tous les instruments inventés par Jean-François Laporte m’intéressaient, mais je trouvais que celui-là avait une belle diversité de sonorités. Il n’était bien sûr pas le seul dans ce cas (je pense notamment à la table de Babel), mais j’ai eu quelques idées pour l’orgue de sirènes que je voulais absolument explorer. J’aimais beaucoup les souffles qu’il permettait, par exemple. Et en expérimentant, j’ai eu un certains nombres d’idées qui m’ont donné le sentiment de « tenir ma pièce » : produire des battements par de légers glissandos obtenus par un mouvement de la main à l’intérieur des tuyaux et les superposer sur la bande (pour créer des trames harmoniques complexes), suspendre des couvercles de chaudrons à de la ficelle afin d’obtenir des sonorités percussives, des résonances ou effets de sourdines et de grésillements contre les tuyaux, utiliser des fouets de cuisine et des clochettes, etc.

Si tu avais à résumer ta composition en trois mots, quels seraient-ils?

Ustensiles, épaississement, frottements.

– Entrevues réalisées par Kohlenstoff le 29 janvier 2016

* Le lancement pour cette parution en format numérique sur Kohlenstoff Records aura lieu au CMM dans le cadre d’un concert ou seront jouées plusieurs des pièces se retrouvant sur l’album:

– Le Jeudi 4 février 2016 à 20h au Studio multimedia du CMM- 

4750, ave Henri-Julien, Montréal, Qc, Canada

Billets : 15 $ (régulier), 7 $ (étudiants avec carte valide) disponibles sur Admission.com     ou à la billetterie du Conservatoire, sur place ou au 514-873-4031, poste 313.

Renseignements : 514 873-4031

Évènement facebook: https://www.facebook.com/events/1696784310541838/

* Aussi à ne pas manquez le jeudi 24 mars :

affiche Kohlenstoff c3

 

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